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Par : Metalrod11

La gratuité à l’usage des transports en commun (TC) a été mise en oeuvre dans plusieurs agglomérations françaises et européennes. Avant de parler de ses effets, on pourrait parler des études menées sur le comportement des citoyens par rapport à la mobilité. Ces études existent depuis longtemps. Qu’elles soient faites à une échelle microscopique ou macroscopique, elles vont dans le même sens : hormis les plus précaires, le choix ne se fait pas sur le coût du transport mais sur l’ensemble des avantages comparés. C’est d’ailleurs assez logique parce que le coût de la voiture est déjà supérieur à celui des transports collectifs. Sur Carfree, on le sait bien…

La comparaison que font la plupart des citoyens ne prend en compte que le coût direct perçu de la voiture (essence, péage, stationnement…) et :

le temps de trajet pour chaque mode, y compris la premier et le dernier « kilomètre » (par ex. distance pour aller au parking ou à l’arrêt de bus) -> au-delà d’un certain écart, les transports en commun sont écartés
la flexibilité de chacun -> si la fréquence est considérée comme trop faible, la flexibilité d’un transport individuel est préférée (ça peut-être aussi un deux-roues motorisé, voire, soyons fous, un vélo ou la marche !)
le confort de chacun (effort, exposition à la météo/au climat, matériel à transporter comme casque, affaires de pluie…)

Dès lors, on a deux configurations :

Cas 1 : la configuration urbaine dans laquelle les TC sont d’ores et déjà compétitifs pour la plupart des personnes selon ces critères
Cas 2 : la configuration périurbaine et rurale où ils ne le sont pas

Dans le cas 1 (configuration urbaine), la part des recettes sur les dépenses est importante. Les recettes couvrent par exemple à Nantes 40% des coûts du réseau. Les coûts de la fraude/lutte contre la fraude sont élevés… mais très largement inférieurs aux recettes. Pour mettre en place la gratuité à l’usage des TC, il faudra de nouvelles sources de financement.

Dans le cas 2, puisque les TC ne sont pas considérés comme attractifs, les recettes couvrent une faible part des dépenses (ex. 10%). Pour cette raison, certains réseaux de petites agglomérations ou départements ont décidé de mettre une tarification symbolique. Elle leur permet de disposer de la même recette (à peu près) mais en transportant plus de personnes.

Mais que retient-on des territoires qui ont mis en place la gratuité ?

Que des personnes « sous-mobiles » se déplaçaient plus
Que beaucoup de personnes qui se déplaçaient à pieds ou à vélo prenaient plutôt les TC
Que des personnes qui se déplaçaient en TC se déplaçaient plus
Que le report modal de la voiture (ou du deux-roues motorisé) vers les TC était très faible et non significatif

En résumé :

Les personnes « sous-mobiles » se déplacent plus, ce qui représente un progrès social
L’augmentation des déplacements effectués en TC concerne peu de nouveaux utilisateurs et parmi ceux-ci, très peu de personnes qui auraient fait le même voyage en voiture (on a fait exactement le même constat lors de l’évaluation des systèmes de libre-service vélo : bien qu’ils puissent avoir dans les grandes agglos une fréquentation importante, ils entraînent très peu de report modal de la voiture vers le vélo)
L’augmentation est pour partie liée à une multiplication des déplacements motorisés au détriment notamment des modes actifs (marche, vélo..)
La gratuité coûte toujours de l’argent et ce coût est exponentiel en fonction de la taille de l’agglomération (plus les TC sont concurrentiels à la voiture, plus la gratuité multipliera les déplacements en TC avec pour limite la saturation du réseau)

Pour ces raisons, me sentant plutôt décroissant, après avoir été pour la gratuité à l’usage des TC (le principe me séduisait), j’en suis arrivé à la conclusion que ce n’était pas une solution soutenable. Je préfère deux mesures :

la gratuité pour les personnes « sous-mobiles » (autrement dit les exclus par la non-mobilité)
pour les autres, une contribution équitable (proportionnelle aux moyens) au coût du trajet

Je trouve dommage qu’on défende un outil sans vérifier si à l’usage il permet d’atteindre les objectifs qu’on souhaite. Ici, l’objectif, c’est selon moi une mobilité soutenable. Si on voit des piétons ou des cyclistes aller dans les transports en commun, on ne va pas dans la bonne direction. Si on voit des personnes multiplier leurs déplacements dans des modes motorisés, on ne va pas dans la bonne direction. Si on compte supprimer la société du pétrole, du nucléaire et de la bagnole et qu’on veut leur faire payer les coûts de fonctionnement des alternatives (ici les TC), on ne va pas dans la bonne direction. Si on veut qu’ils financent quelque chose, ce doit être des dépenses d’investissement, pas de fonctionnement…

En conclusion, pour ma part, dans une perspective de mobilité soutenable et de décroissance, je n’exige pas la gratuité des transports en commun. Je souhaiterais qu’elle soit accordée aux personnes sous-mobiles (précaires, exclus, etc.) et que les autres comme moi payent proportionnellement à leurs moyens. Taxons la bagnole, le pétrole, le nucléaire, etc. … mais pour nous en débarrasser pas pour en être dépendants !


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